mardi 30 avril 2013

Z comme zouave


Pour clore ce défi, je vous propose une photo extraite de ma collection personnelle. C'est la plus ancienne photo que je possède de mon père.

Emmanuel enfant, Archives personnelles
Il semble avoir cinq ou six ans et il pose en costume de zouave. L'occasion de passer en revue un uniforme qui n'a pratiquement pas été modifié, du moins en ce qui concerne la tenue d'apparat, depuis la création des premières unités en Algérie en 1830 jusqu'à la dissolution du corps des zouaves en 1962.

Sur la tête, un bonnet de feutre rouge, la chéchia. Sur le gilet sans manche, une veste courte en drap bleu foncé, avec passepoils et tresse garance. Un pantalon très ample, sans séparation dans l'entrejambe, appelé sarouel, en principe de couleur garance lui aussi, et une très large ceinture de laine bleu indigo. Enfin des guêtres de drap bleu foncé l'hiver et de toile blanche l'été, sur des souliers cloutés de cuir noir.

Selon Wikipédia, l'aspect oriental de l'uniforme viendrait de l'habillement des soldats au service de l'Empire ottoman, du temps de la Régence d'Alger.

Tout ceci ne nous dit pas pourquoi Emmanuel pose dans une telle tenue, dans le studio du photographe. Était-il invité à une fête costumée ? Je l'ignore et n'ai jamais pensé à lui poser la question. Trop tard, maintenant.

J'ai naturellement retourné la photo, dans l'espoir d'y glaner quelque information supplémentaire. Il s'agit d'un format carte postale, avec un emplacement pour l'adresse et un autre pour la correspondance. Y figure un nom connu des spécialistes : "R. Guilleminot, Boespflug et Cie – Paris", avec un logo à tête de cheval. Cette société, créée au début du siècle dernier, fabriquait des papiers photographiques, des plaques et des films. Le siège était 22, rue de Châteaudun, dans le 9e arrondissement. Le nom a disparu en 1995, semble-t-il, lorsque l'entreprise fut absorbée par la société Bergger, elle aussi bien connue des photographes.

Mais la carte postale est restée muette sur le choix du costume. Cette touche d'exotisme continuera à m'intriguer longtemps encore.

lundi 29 avril 2013

Y comme Yourcenar


Aujourd'hui, je fais court. Qui ne connaît Marguerite Yourcenar (1903-1987), première femme à siéger à l'Académie française ?

Source Photopin
Dans la longue liste de ses œuvres, figure "Le labyrinthe du monde", où elle expose l'histoire de sa famille en trois volets : "Souvenirs pieux", "Archives du Nord" et "Quoi ? L'éternité".

Dans ce dernier volume, j'ai relevé cette phrase :

"La société des châteaux est ce qu'on trouve un peu partout en France. Peu de vieille noblesse, quoique tout le monde croie en être, parfois sincèrement. Les châteaux datent pour la plupart, comme le Mont-Noir lui-même, des beaux temps de la Restauration ; les propriétaires en datent aussi. Les familles les plus anciennes descendent d'intendants ou de fonctionnaires du XVIIIe siècle, qui ont fait leurs orges, et çà et là acquis ou relevé un titre."

J'aime cette lucidité teintée d'humour. À méditer par tous les généalogistes débutants et tous les colporteurs de légendes familiales (dont je fus), ceci dit sans acrimonie aucune.

samedi 27 avril 2013

X comme père inconnu


Eh bien, voilà, il n'y aura jamais que quatorze quartiers (et non pas seize) dans mon arbre généalogique ! À une dizaine d'années d'écart, deux de mes arrière-grands-mères du côté paternel ont eu chacune un enfant naturel. Je n'en fais pas un drame, d'autant que ces deux femmes me paraissent avoir fait preuve de caractère.

Source Photopin
J'ai déjà évoqué Madeleine Laubret. Je vais vous entretenir aujourd'hui d'Élisabeth Marie Letourneau.

Dans Heredis, du moins la version bleue que j'utilise sur mon Mac, l'édition d'une fiche individuelle détaillée permet d'obtenir ce que Sophie Boudarel appelle une ligne de vie(1). J'en extrais les informations suivantes.

Élisabeth Marie Letourneau a dix-neuf ans et elle est qualifiée d'ouvrière (sans plus de précision), lorsqu'elle donne le jour à Emmanuel(2) Marie, le 21 novembre 1845, au domicile de ses parents. Ceux-ci habitent dans la Grand-Rue, à Château-Gontier. Le père, qui fut menuisier, est maintenant "porteur de contraintes" : il notifie les mises en demeure de payer le percepteur ! Plus tard, il sera également agent d'assurances.

L'année suivante, lors du recensement, Élisabeth réside toujours à la même adresse, en compagnie de son grand-père maternel, cordonnier, de ses parents et de cinq de ses frères et sœurs. Le petit Emmanuel ne figure pourtant pas sur la liste : aurait-il été confié à une nourrice ?

Maisons anciennes, Grand-Rue, Château-Gontier
Il réapparaît dans les deux recensements suivants (1851 et 1856), contrairement à sa mère, qui a peut-être déjà quitté Château-Gontier. La maisonnée est d'ailleurs de plus en plus réduite, au gré des mariages des frères et sœurs d'Élisabeth. L'enfant, qui n'a pas encore dix ans, est vraisemblablement élevé par ses grands-parents.

Le 25 août 1857, la trentaine passée, Élisabeth se marie à son tour avec un cultivateur de Villevêque, dans le Maine-et-Loire. Le bourg, qui compte environ 1 600 habitants, est situé à une quinzaine de kilomètres au nord-est d'Angers. Il semble qu'Élisabeth réside avant son mariage au lieu-dit de la Fontaine, différent du lieu de résidence de son époux, Joseph Jacquelin. N'y voyez là aucun mauvais esprit de ma part, juste un constat. Elle signe "Elisa Letourneau". Ses parents sont présents à la mairie.

De cette union, vont naître deux garçons, Joseph Marie en juin 1858 et Adolphe Emmanuel(3) Marie en juin 1864. Les enfants voient le jour au lieu-dit de la Fontaine, où le couple a dû s'installer.

Je n'ai pour l'instant pas d'autre information jusqu'au mariage d'Emmanuel Letourneau, le 17 novembre 1873 à Angers. Ce jour-là, Elisabeth reconnaît dans l'acte de mariage qu'Emmanuel est son enfant naturel. Elle est qualifiée d'aubergiste et signe "femme Jacquelin", histoire de marquer qu'elle est une épouse respectable, sans doute.

Lorsque leurs deux garçons, Joseph et Adolphe, se présentent au conseil de révision, respectivement en 1878 et 1884, les époux Jacquelin n'ont pas quitté Villevêque.

Élisabeth décède finalement le 10 juin 1894, à une heure et demie du matin (les officiers de l'état civil sont beaucoup plus précis que les prêtres). Elle avait alors soixante-sept ans. Dans l'acte de décès, elle est qualifiée à la fois de ménagère et de cabaretière, et son mari de cultivateur.

Un détail titille mon imagination : elle rend son dernier soupir dans son habitation, au lieu-dit Mon Idée. Or ce toponyme, qui ne figure apparemment ni sur les cartes de Cassini, ni dans "la France à la loupe"(4), ni dans le Dictionnaire historique de Maine-et-Loire de Célestin Port, existe encore bel et bien de nos jours.  Il suffit de consulter la liste des lieux-dits de Villevêque dans l'Annuaire des mairies et villes de France(5) pour le vérifier. Alors, mon ancêtre serait-elle à l'origine de ce toponyme ? Aurait-elle ainsi appelé son auberge ? Mais comment le vérifier ?

Une femme de caractère, je vous dis.


(1) Voir sur son site La Gazette des Ancêtres, à la rubrique Boîte à outils, l'article "Organisez vos données en créant une ligne de vie".
 (2) Chronologiquement, première apparition de ce prénom dans mon arbre généalogique.
 (3) À nouveau ce prénom, surgi de nulle part.
 (4) Logiciel édité par BSD Concept, qui permet de localiser communes et toponymes sur la carte de France.
 (5) Dont voici l'adresse : http://www.annuaire-mairie.fr/

vendredi 26 avril 2013

W comme Wiggishoff


Me voici confrontée à une nouvelle difficulté. Comme je l'ai expliqué précédemment, la répartition géographique de mes ancêtres est pour l'instant strictement hexagonale. Pis que cela, elle concerne majoritairement la moitié ouest de la France : Manche, Mayenne, Maine-et-Loire, Vendée, Loir-et-Cher, Cher, Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Gers, Haute-Garonne… avec néanmoins quelques incursions dans la Drôme, les Vosges et la Moselle.

Source Photopin
Si je consulte le dictionnaire des noms de famille qui figurent dans ma base de données, quatre individus seulement commencent par la lettre fatidique : deux témoins et deux officiers de l'état civil.

Choisissons Jacques Charles Wiggishoff, nom à consonance alsacienne d'un adjoint au maire du 18e arrondissement de Paris, lors du mariage de Louis Chancé, doreur sur bois, avec Diasiente Victorine Hédin le 3 janvier 1885.

Que va-t-il m'apprendre ?

Tout d'abord, que nul n'est à l'abri d'une erreur. Pourquoi diable l'ai-je affublé des prénoms de Jean Jacques alors qu'il s'appelle Jacques Charles ? Une relecture attentive de l'acte de mariage me permet de rectifier cette information.

Je lance ensuite une recherche sur GeneaNet à partir du seul patronyme et j'obtiens 6 résultats sur les arbres généalogiques, y compris ma propre contribution (que je corrige au passage), 1 résultat sur les autres sources et 223 résultats en bibliothèque, pas moins.

La recherche dans les arbres généalogiques s'avère peu fructueuse. L'autre source est beaucoup plus intéressante : il s'agit de la base Léonore qui recense les personnes promues dans l'Ordre de la Légion d'Honneur et donne accès à leur dossier. Celui de Jacques Charles Wiggishoff(1) est particulièrement riche, 16 pages, dont sa nomination au grade de Chevalier en 1898, le faire-part de son décès en 1912, son bulletin de décès filiatif, divers courriers, une carte de visite, un résumé des services rendus et un extrait de naissance.

Enfin, les résultats en bibliothèque permettent d'accéder au site Gallica de la Bibliothèque nationale de Fance et aux documents où figure le nom de Wiggishoff : Bulletin officiel du Ministère de l'Intérieur, Recueil des actes administratifs de la Préfecture de la Seine, Annuaires, articles de quotidiens nationaux, Grande Encyclopédie de Camille Dreyfus… Jacques Charles Wiggishoff est abondamment cité.

J'apprends donc rapidement nombre de choses à son sujet. Il est né le 25 avril 1842 à Montmartre, au n°37 de l'impasse Traînée (sic), au foyer de Charles Joseph Wiggishoff, menuisier de son état, et de Marie Madeleine Caroline Hoch. Ses grands-pères s'appellent Jean Wiggishoff et André Hoch.

Il fut négociant et demeurait, du moins à la fin de sa vie, au n°153 de la rue Marcadet. Il est décédé le 2 avril 1912, dans sa soixante-dixième année, et fut inhumé à l'ancien cimetière de Saint-Ouen, dans le caveau de famille. Il était veuf d'une certaine Louise Leclercq, avait eu au moins un fils et une fille, et avait plusieurs petits-enfants.

Le faire-part indique également qu'il fut maire du 18e arrondissement de Paris, membre de la commission municipale du Vieux Paris, président de la Société française des Collectionneurs d'ex-libris et président honoraire de la Société archéologique du Vieux Montmartre. Un notable, donc, et peut-être un érudit, ce Jacques Charles Wiggishoff.

Ces informations ont été obtenues en quelques dizaines de minutes. L'occasion de démontrer, si besoin était, la richesse de GeneaNet.


(1) Archives nationales, Base Léonore LH/2756/46

jeudi 25 avril 2013

V comme village circulaire


Nous sommes dans la Drôme, à une douzaine de kilomètres au nord-est de Valence et le village s'appelle Alixan. Il a la particularité d'avoir un plan circulaire : trois rues bordées de maisons s'enroulent autour d'un piton central sur lequel a été bâtie l'église.

Cadastre d'Alixan, AD Drôme 3P 3254/11 Section H

Je l'ai découvert lorsque je travaillais sur la branche de François Morel, le médecin-major qui a eu la bonne idée de consigner dans un carnet toutes les étapes importantes de sa carrière militaire. François est né à Peyrus, au pied du Vercors, comme son père, Antoine, et son grand-père, Jean-Baptiste, avant lui. Mais ce dernier a pris femme en dehors de sa paroisse.

Comment ai-je trouvé le mariage de Jean-Baptiste Morel et de Louise Royanez, célébré à Alixan le 27 novembre 1753 ? Je l'ignore. À l'époque, je ne tenais ni blog ni journal de recherches. Je me contentais d'ouvrir une feuille (non datée) par paroisse, sur laquelle je notais toutes les trouvailles potentiellement intéressantes au fil de la consultation des registres : pour chaque événement, la date, la nature de l'acte, le nom des personnes concernées et le numéro de folio, de façon à pouvoir y revenir en cas de besoin. Ces feuilles étaient, et sont toujours, rangées par ordre alphabétique dans un gros classeur vert.

Je pense que ce qui m'a mis sur la piste d'Alixan, c'est une mention dans l'acte de baptême d'un des enfants du couple Morel-Royanez, Marie Anne, née le 6 mai 1764, et baptisée le lendemain à Peyrus : "le parrein a été Laurent Astier du lieu d'Alixan". Ce qui prouve, s'il en était besoin, l'utilité de reconstituer dans la mesure du possible les fratries complètes. Chaque document est potentiellement porteur d'indices utiles pour la suite des recherches.

Bonne pioche ! La famille Royanez est manifestement originaire d'Alixan et, outre le mariage de Jean Baptiste Morel et de Louise Royanez, j'y ai trouvé sept autres mariages concernant mes ancêtres, ainsi qu'un bon nombre d'actes de baptême et de sépulture. À ce jour, je suis remontée jusqu'au mariage d'un certain Claude Royanes avec Jeanne Simard, le 29 juin 1657. L'acte n'indique malheureusement pas le nom des parents des conjoints, mais il nomme le notaire qui a reçu le contrat. Et les registres d'Alixan, certes lacunaires pour les périodes les plus anciennes, remontent jusqu'en 1553, avec des actes de baptême en latin. J'ai encore du pain sur la planche.

Lors d'un bref passage en mai 2010, j'ai pu apercevoir l'église d'Alixan, aux allures de forteresse sur son piton rocheux. Elle était malheureusement fermée, comme c'est trop souvent le cas de nos jours, mais j'aime à penser que certains de mes ancêtres ont gravi le chemin qui conduit jusqu'à elle(1).

Eglise d'Alixan, archives personnelles



(1) Pour en savoir plus sur le village circulaire d'Alixan, voir le site suivant : http://www.amisduvieilalixan.fr/index.htm

mercredi 24 avril 2013

U comme Uzerche


Une fois n'est pas coutume, je vais vous parler aujourd'hui d'un ancêtre corrézien de mon mari. De son grand-père paternel.

Portrait de Léonard Chadal, Archives personnelles

Nous sommes à Uzerche, le 24 août 1916, alors que la guerre fait rage tout au long des tranchées qui barrent le nord de la France, de la Meuse à la Somme.

Dans l'étude de Maître Laborie, remplacé par le vieux Maître Breuil pour la durée de la guerre, Léonard Chadal, vingt-neuf ans, est accompagné de sa jeune épouse, qui vient d'avoir dix-neuf ans. Il bénéficie d'une permission et il la met à profit pour préserver les intérêts de sa femme par une donation, dont voici l'essentiel :

"Lequel a déclaré faire donation entre vifs pour le cas où elle lui survivrait à Mad. Foujanet, son épouse, sans profession, demeurant actuellement au Puy de la Brune, commune de Saint-Ybard à ce présente et qui accepte sous son autorisation de l'universalité de tous les biens meubles et immeubles qui composeront sa succession au moment de son décès…"

Le mois précédent, Léonard Chadal a participé à l'offensive sur le front de la Somme. Blessé à la tête le 1er juillet à Becquincourt, trépané, évacué le 11 juillet, il quitte l'hôpital de Bergues le 20 août avec une permission de sept jours. Juste le temps de traverser plus de la moitié de la France et de retrouver son épouse Anna à sept cents kilomètres de là, en Corrèze. Le couple s'y était marié le 17 février 1914, à Salon-la-Tour précisément.

Auparavant, Léonard avait rempli ses obligations militaires en effectuant deux ans de service dans l'armée active, d'octobre 1908 à septembre 1910. Puis il avait repris son métier de maçon sur les chantiers des beaux quartiers parisiens.

On imagine facilement les pensées qui hantent Léonard, au moment de signer l'acte notarié. Il a été mobilisé le 12 août 1914, six mois à peine après son mariage. Deux ans déjà se sont écoulés depuis qu'il a endossé à nouveau l'uniforme. Son frère Louis, de cinq ans son cadet, a été tué à l'ennemi l'année précédente, le 6 octobre 1915, alors qu'il allait avoir vingt-trois ans.

L'avenir doit lui paraître bien sombre. C'est la raison, sans doute, de cette donation au cas où…

mardi 23 avril 2013

T comme tonnerre de Buais


Nous avons tous un jour rencontré un curé un peu plus bavard que les autres, qui se plaisait à narrer les épisodes marquants de sa paroisse ou ceux du royaume de France.

Source Photopin

J. Fouqué, prieur curé de Buais, dans l'actuel département de la Manche, est de ceux-là. Voici le texte qu'il rédige à la fin de l'année 1751(1) :

"Le 2e jour de Novembre 1751 le tonnerre tomba
sur le clocher de Buais endommagea une des jambes
de force decouvrit tout à l'entour la fleche et le Dôme
La reparation en a couté sept cens livres suivant
L'adjudication qui en a eté faitte de mise a prix par le sd
prieur ce fut sur les neuf heures du soir que le
tonnerre tomba, partagea le cocq par la moitié on
en a mis un neuf, La france couvreur en ardoise
dmt à Landivy a couvert de neuf le bois quarré
Le Dome et la fleche. L'année 1752 le bled seigle
valant quatre Livres Le bosseau Le 9 may 1752.
"

Notons au passage que le prieur aurait fait un bon comptable (ou un bon contrôleur de gestion ?), car il nous donne un élément de comparaison pour évaluer les dépenses engagées. Il avait sans doute l'accent du terroir, car il écrit "bosseau" pour boisseau !

Selon Wikipédia, le boisseau avait une capacité de 12,67 litres, soit un douzième du setier de Paris. À manier avec précaution, les poids et mesures n'étant pas unifiés à travers le Royaume jusqu'à la Révolution.

Quant à Landivy, d'où venait l'artisan qui réalisa les travaux, il s'agit aujourd'hui d'une commune située à l'extrême nord-ouest du département de la Mayenne. Elle jouxte la commune de Buais : moins de 8 kilomètres séparent les deux bourgs.


(1) Archives départementales de la Manche, Buais 5 MI 1438 vue 90/211

lundi 22 avril 2013

S comme serger


"Le serger est un ouvrier fabricant des étoffes ou tissus de laine, de la serge" nous dit D. Chatry dans Les Métiers de nos ancêtres.

Le Petit Larousse tente de nous éclairer en s'y reprenant à deux fois. La serge est un "tissu de laine dont l'armure est celle du sergé", ce qui fait progresser considérablement la connaissance, vous en conviendrez, d'où cette précision : le sergé est une "armure utilisée pour le tissage d'étoffes à côtes obliques".

En cherchant sur les sites marchands d'Internet, je m'aperçois que le tissu sergé est réputé robuste et solide, ce qui est fort utile pour les vêtements professionnels et les uniformes. Je me demande d'ailleurs si ce n'était pas le tissu utilisé pour confectionner les jupes plissées bleu marine qu'il m'a fallu arborer durant toute ma scolarité ?

Mais foin des digressions, revenons à la généalogie. La première fois que j'ai rencontré un "serger", je suis tombée dans le panneau et l'ai instantanément rebaptisé "berger" ! Impardonnable, je vous l'accorde, mais j'étais néophyte.

AD Mayenne 4E184/3 vue 361/392

Mon ancêtre serger s'appelle Philbert Charles Chardron et il est né le 4 novembre 1741 au bourg de Meslay-du-Maine, dans l'actuel département de la Mayenne. Il fut baptisé le même jour. Son parrain n'est autre que le "vénérable et discret Philbert René Duchesne prêtre curé dudit Mellay" et sa marraine, Marie Duval, veuve de René Denot marchand, signe elle aussi l'acte de baptême d'une main assurée.

Les parents de Philbert, Pierre Chardron et Renée Besnier, se sont mariés en mai 1715 et ont donné le jour à treize enfants entre 1716 et 1741, dont la moitié au moins meurt en bas âge. Le père est qualifié successivement de tireur de laine, de marchand et de journalier. Il ne semble pas savoir signer.

Philbert est le dernier de la fratrie. Il se marie en janvier 1769, à vingt-sept ans, avec Marie Briceau qui en a vingt-trois. C'est alors qu'il est qualifié de garçon serger. Son nom est quelque peu écorché en "Chardon", comme il le sera régulièrement dans les actes de baptême de ses enfants, mais il signe bien "ph chardron" ou parfois "philberth chardron". Le couple aura neuf enfants entre décembre 1769 et octobre 1785, au rythme d'un tous les deux ans.


Dès l'acte de baptême de sa fille aînée, Philbert est qualifié de marchand et il en sera ainsi régulièrement par la suite. Travaille-t-il alors avec François Robineau, marchand serger, présent à son mariage en tant que curateur de son épouse Marie Briceau ? C'est possible.

AD Mayenne 4E184/3 vue 361/392

Philbert Chardron décède en août 1795, à l'âge de cinquante-trois ans, dans sa maison située dans le bourg de Meslay-du-Maine, huit ans après son épouse.

samedi 20 avril 2013

R comme recette


Les papiers de famille ! Chaque fois que je les évoque, j'ai l'impression de rouvrir la malle aux trésors. Je vous propose aujourd'hui le cahier de "Recettes Maitreau", daté de 1921, dont j'extrais la rubrique suivante :

"Petits gâteaux pour le thé
250 gr de farine, 125 gr de sucre, 125 gr de beurre ou graisse, un peu de sel. Travaillez dans un saladier en délayant avec quelques cuillerées de lait. Étendez la pâte sur la table avec le rouleau de l'épaisseur d'une pièce de monnaie. Coupez en petits ronds avec un verre à madère ou bien des losanges ou des carrés avec une règle et un couteau. Tracez dessus quelques lignes pour décorer, en y pressant simplement une fourchette. Mettez au four sur des plaques. Retirez lorsqu'ils sont d'un jaune clair. Ce petit dessert est exquis et se conserve bien."

Cahier de recettes Maitreau, archives personnelles
Cette recette est précédée de celle de la gelée de pommes, de celle des petits sablés (je n'ai pas bien saisi la différence) et de celle des croquets (plus élaborée, car elle nécessite des amandes émondées, des œufs, du citron et du kirsch).

Je suppose que Julia offrait ces douceurs à ses amies lorsque celles-ci se présentaient, gantées et chapeautées, à l'heure du thé, le mardi après-midi. Pourquoi le mardi ? Parce que ma grand-mère tenait salon ce jour-là, comme l'indiquent ses cartes de visite :


De nos jours, on ouvre vite fait un paquet de biscuits acheté à la supérette du coin, mais avouez que cela a perdu un peu de poésie.

vendredi 19 avril 2013

Q comme quinze enfants


L'une de mes découvertes en généalogie, c'est l'importance des familles nombreuses sous l'Ancien Régime. Et quand je dis nombreuses, je veux dire plus de dix enfants. À ce jour, j'ai identifié une quinzaine de couples dans ce cas parmi mes ancêtres.

Source Photopin
J'ai choisi de vous parler aujourd'hui de l'un d'entre eux, Julien Restaux (Sosa 68). Il est né à Buais, dans l'actuel département de la Manche, en février 1723, où il fut laboureur propriétaire au village de la Mercerie, comme son père avant lui. Capable de signer d'une signature assurée, ornée d'une ruche, il se maria deux fois et vécut toute sa vie à la Mercerie, avant d'y décéder en janvier 1809, à l'âge respectable de quatre-vingt-cinq ans.

Source AD Manche, Buais 5MI 1438
Julien Restaux n'avait que vingt-et-un ans lorsqu'il épousa en premières noces Gabrielle Le Monnier. Cela se passait en février 1744, à l'époque où Louis XV régnait sur le royaume de France. Gabrielle Le Monnier était originaire de Sainte-Marie-du-Bois, un village voisin ; elle était sans doute plus âgée que lui, mais l'acte de mariage ne fournit aucune indication et l'absence de registres paroissiaux antérieurs à 1741 ne m'a pas permis de retrouver son acte de baptême.

J'ai également eu des difficultés avec les registres paroissiaux de Buais qui comportent de nombreuses pages illisibles, en raison de la mauvaise qualité du papier et de l'encre qui transparaît à travers les feuilles. Les premiers enfants identifiés du couple Restaux-Le Monnier naissent à Buais en octobre 1751, six ans et demi après la célébration du mariage religieux, ce qui me semble bien tardif. Il s'agit de jumeaux : la fille ne survit qu'une quinzaine de jours et le garçon un peu plus de deux mois. Le couple a ensuite deux autres garçons, l'un en juin 1753, l'autre en février 1758.

Gabrielle Le Monnier décède finalement à la Mercerie en Buais en décembre 1761. L'acte de sépulture indique qu'elle était alors âgée de cinquante-cinq ans, mais cela me paraît peu vraisemblable, à moins qu'elle n'ait enfanté jusqu'à cinquante-deux ans !

Julien Restaux se remarie seize mois plus tard, le 26 avril 1763 (nous sommes toujours sous Louis XV), avec Anne Herbert. Celle-ci est originaire de Buais comme lui. Le couple va donner le jour à onze enfants entre 1765 et 1779, au rythme d'un par an jusqu'en 1770, puis quasiment au même rythme entre 1773 et 1779. La moitié d'entre eux ne vivent hélas que quelques mois. Anne Herbert décède à son tour en février 1799, sans doute épuisée par toutes ces grossesses, âgée d'une soixantaine d'années. Là aussi, je n'ai pu retrouver l'acte de baptême qui aurait validé son âge exact, les registres paroissiaux étant lacunaires.
  

Résumons-nous : Julien Restaux a eu au moins quinze enfants, issus de deux mariages successifs. Beau palmarès, si je puis dire, mais il arrive quand même second derrière Gilles Poirier, qui eut dix-huit enfants, dont dix-sept avec la même épouse ! Cela se passait non loin de là, à Romagny, durant le premier tiers du XVIIIe siècle. Décidément, ces Normands étaient dotés d'un solide tempérament !

jeudi 18 avril 2013

P comme piqueuse de bottines


C'est la profession de Victoire Marie Poirier lorsqu'elle épouse mon ancêtre Frédéric Chancé à la mairie du 5e arrondissement de Paris, en juin 1860.

À cette époque, ils demeurent au 301 de la rue Saint-Jacques, mais sont tous deux originaires de Notre-Dame du Touchet, dans l'extrême sud du département de la Manche.

Source Photopin
L'histoire de Victoire Poirier est plutôt triste. Dernière-née d'une famille de cinq enfants, elle a à peine quinze mois lorsque sa mère décède en 1835, à l'âge de trente et un ans. Son père, qui s'était entre temps remarié, décède à son tour en 1848. Voilà la jeune fille orpheline à quatorze ans. Ses grands-parents ne sont plus de ce monde depuis de nombreuses années. Est-ce pour cette raison qu'elle quitte sa Normandie natale et vient tenter sa chance à Paris ? Je l'ignore.

Frédéric Chancé, qui a trois mois de moins qu'elle, est le plus jeune d'une fratrie de sept enfants. Il semble qu'il ait suivi deux de ses frères, Louis et François, lorsque ceux-ci se sont installés à Paris pour y exercer l'un le métier de broyeur de couleurs et l'autre le métier de peintre en bâtiments.

Les deux époux, Frédéric et Victoire (ou Victorine, comme il est indiqué dans certains actes), ont des ancêtres communs : Gilles Poirier et Marie Hamon, qui se sont mariés vers 1710, avant de donner le jour à… dix-sept enfants ! Ce sont leurs arrière arrière-grands-parents. Autrement dit, Frédéric Chancé et Victoire Poirier sont parents au quatrième degré selon le droit canon, mais au huitième degré selon le droit civil.

Mais revenons au métier de piqueuse de bottines. Selon le Trésor de la langue française informatisé (TLFI), la bottine est une "chaussure de cuir fin, montant jusqu'au mollet et généralement fermée par de petits boutons ou des lacets". Les piqueuses de bottines sont les ouvrières qui les confectionnent à l'aide de machines.

Cela fleure bon la mode du XIXe siècle, à l'époque où il suffisait à un jeune homme d'entrevoir une cheville finement gainée de cuir pour que son imagination s'enflamme. Mais à quel prix ? Combien d'heures Victoire passait-elle chaque jour penchée sur sa machine, à s'user les yeux et s'abîmer les mains, et quel salaire recevait-elle en échange ?

J'ai dit que le couple s'était marié en juin 1860. Frédéric et Victoire ont sans doute régularisé une situation embarrassante, car la jeune femme entre à la maternité de Port-Royal cinq mois plus tard, le 14 novembre, pour y accoucher d'une petite Marie Léonie, à onze heures du soir. La mère décède le surlendemain d'une péritonite, selon la déclaration du médecin figurant dans les registres de l'hôpital. Elle avait vingt-six ans.

L'enfant sort de la maternité le 17 novembre et décède le 23, au domicile de son père, rue Saint-Jacques. Sa courte existence n'aura duré que neuf jours.

mercredi 17 avril 2013

O comme Oloron-Sainte-Marie


Impossible pour moi de faire l’impasse sur cette sous-préfecture des Pyrénées-Atlantiques, c’était un inépuisable sujet de conversation entre ma grand-mère, ma mère et mes tantes, aussi loin qu’il m’en souvienne. Et je ne vous parle pas des chocolats Rozan…

Maisons en bordure du gave, à Oloron
J’ai retrouvé dans les papiers de famille une carte-lettre de ma grand-mère Julia adressée à ma mère, poste restante à Oloron, où mes parents étaient de passage (ils s’apprêtaient à me rejoindre en Espagne, où j’effectuais un séjour linguistique). J’y relève ces quelques mots : «J’espère que celle-ci te parviendra avant votre départ pour les heureuses retrouvailles ! Montre à Dominique nos demeures où vous avez passé votre jeunesse heureuse !… puis le tribunal !»

Je constate que ma grand-mère avait un faible pour les points d’exclamation. Sans doute la marque de son caractère vif, prompt à s’emporter, qui s’est transmis à sa descendance ! «Votre jeunesse heureuse» fait allusion à ses quatre enfants.

Mais revenons à Oloron. C’est une petite ville d’une dizaine de milliers d’habitants, adossée aux Pyrénées, à une trentaine de kilomètres de Pau. Elle est située au confluent des gaves d’Aspe et d’Ossau, qui délimitent les trois quartiers de Sainte-Marie, Sainte-Croix et Notre-Dame. Aujourd’hui encore, il m’arrive de la traverser, trop rapidement à mon goût, lorsque je me rends dans la vallée du Barétous, où mes cousins et cousines ont gardé leurs attaches familiales.

Après leur mariage, mes grands-parents maternels se sont d’abord installés à Goès, en bordure de la ville, avant d’habiter rue Adoue. J’ai déjà évoqué Goès et j’ai indiqué dans le même billet que Maurice Maitreau était greffier, d’où la volonté de ma grand-mère de me montrer le tribunal.

Mon grand-père exerça également la fonction de conseiller municipal sous la mandature d’Amédée Gabe, maire d’Oloron de 1919 à 1932. Il subsiste de cette époque une ceinture tricolore ornée de pampilles dorées, le tout un peu fané, et deux photos prises à l’occasion de la visite de Gaston Doumergue dans la capitale du Haut Béarn. L’épisode se situe vraisemblablement en juillet 1928, lors de l’inauguration de la gare de Canfranc par le Président de la République et par le roi d’Espagne, Alphonse XIII. Ma tante Jacqueline a fièrement inscrit au dos : «Doumergue, Président de la République française, Gabe maire, papa adjoint».

Visite de Gaston Doumergue à Oloron, Archives personnelles
Vous l’aurez compris, il faut que je prévois impérativement un séjour sur place pour consulter les archives communales, la presse locale et les registres de recensement, afin de compléter mes informations. De nombreuses heures de recherche en perspective et une nouvelle incursion dans la gastronomie locale pour garder la forme (et les formes) !

mardi 16 avril 2013

N comme nourrice


L'une de mes arrière-grand-mères, Madeleine Augustine Laubret, est originaire de Salbris, dans le Loir-et-Cher. Elle habitait au pied de la butte Montmartre et était crémière de son état lorsqu'elle épousa Frédéric Chancé le 9 novembre 1861, à la mairie du 18e arrondissement de Paris.

Source Photopin
Persuadée que mon grand-père était fils unique, je ne m'interrogeai pas une seconde sur les quarante-trois mois qui séparent ce mariage de la naissance de Frédéric François en juin 1865.

Madeleine Augustine Laubret était une enfant naturelle. J'ai déjà raconté comment la lecture des registres de recensement(1) m'a permis de renouer les fils avec la branche maternelle de sa famille, lorsque j'eus accès aux archives numérisées du Loir-et-Cher. Je parcourais les tables décennales de Salbris lorsqu'un nom me sauta aux yeux : Chancé Alexandre Constant. Mes ancêtres Chancé sont originaires de Notre-Dame du Touchet, dans la Manche, à quelques centaines de kilomètres de là, et le patronyme n'est pas si fréquent. Que diable faisait-il là? Je me précipitai sur l'acte de décès rédigé le 26 juillet 1864 et voici ce que je trouvais :

"L'an mil huit cent soixante-quatre, le vingt-sixième jour du mois
de juillet à six heures du matin pardevant
Nous Debray Jean-Baptiste, adjoint délégué
Officier de l'État civil de la commune de Salbris
canton de Salbris département de Loir-et-Cher
sont comparus Livernault Casimir,
âgé de quarante-un ans, profession de maréchal,
domicilié à Salbris et Baudry Jules,
âgé de trente ans, profession de maçon,
domicilié aussi à Salbris,
Lesquels nous ont déclaré que le vingt-cinq du mois de juillet
à huit heures du soir, Chancé, Alexandre, Constant, fils de Frédéric François
Chancé, peintre à Paris et de Madeleine Laubré, son épouse,
âgé de deux ans, sans profession
demeurant à Salbris département de Loir et Cher,
né à Paris, département de la Seine,
est décédé en notre commune, en la maison de la veuve Alard, sa nourrice.
Le premier témoin nous a déclaré être voisin et le
second témoin être aussi voisin du décédé. Nous nous sommes
assuré de l'exactitude de la déclaration de ces témoins, qui ont signé avec nous le
présent acte, après que lecture leur en a été faite.
"

Le couple avait donc eu un premier enfant, avant la naissance de mon grand-père, et l'avait confié à une nourrice à la campagne. J'épluchai aussitôt les tables décennales des différents arrondissements de Paris et je trouvai l'acte de naissance à la date du 15 juin 1864, dans le 18e arrondissement. Alexandre Constant avait moins de deux mois, et non pas deux ans, lorsque s'éteignit sa brève vie chez la veuve Alard. À cette époque, la mortalité infantile était élevée et le recours à une nourrice n'arrangeait rien, pour peu que celle-ci loue ses services à plusieurs familles à la fois, afin de gagner plus d'argent.

Quelles sont les motivations qui ont conduit le couple à mettre l'enfant en nourrice ? L'air vicié de Paris ? une charge de travail trop importante ? la mère est dite sans profession dans l'acte de naissance. Le manque de lait ? un comble pour une ancienne crémière ! Une autre raison ? Je n'ai pas encore de réponse à cette question et peut-être n'en aurai-je jamais.

Et cette veuve Alard, comment en savoir plus à son sujet ? Quelles pistes explorer ? Pour l'instant, je sèche.

Tout ce que je sais, c'est que l'année suivante, le 27 juin 1865 exactement, naissait mon grand-père Frédéric François au numéro 74 de la rue de Richelieu, dans le 2e arrondissement de Paris. Il semble qu'entre temps le couple ait quitté la butte Montmartre pour s'installer dans un quartier transformé par les travaux du baron Haussmann. J'ignore si cet enfant fut mis en nourrice comme son aîné, dont la trop brève existence n'a pas laissé de trace dans l'histoire familiale, mais il vécut suffisamment longtemps pour se marier et pour avoir un fils, mon père.

Je note au passage que si j'avais fait preuve de plus de méthode et si j'avais épluché les tables décennales de tous les arrondissements de Paris pour identifier tous les enfants du couple Chancé-Laubret, j'aurais vraisemblablement fini par trouver la naissance du petit Alexandre Constant. Mais je me serais longtemps interrogée sur la suite de son existence et je n'aurais sans doute pas pensé à chercher un éventuel acte de décès du côté de Salbris. La mise en nourrice ne m'aurait pas traversé l'esprit !

(1) Voir http://degresdeparente.blogspot.fr/2012/12/rechercher-ses-ancetres-de-lutilite-des.html

lundi 15 avril 2013

M comme Morel


J'ai déjà évoqué à plusieurs reprises dans ce blog François Morel. Ma grand-mère, ma mère et ses soeurs l'évoquaient avec déférence et son portrait en uniforme, cheveux grisonnants, la Légion d'honneur épinglée sur la poitrine, occupait une place de choix dans l'appartement de ma tante Jacqueline.

Source Archives personnelles

Bref, c'était un personnage important sur lequel couraient nombre d'anecdotes qui relevaient sans doute davantage de la légende familiale que de la vérité historique. J'avais bien tenté, il y a une vingtaine d'années, d'obtenir son acte de naissance en écrivant à la mairie concernée, mais faute de réponse, je n'avais pas poussé plus loin mes recherches à l'époque.

J'en sais aujourd'hui davantage, même si je n'ai pas encore consulté son dossier au Service historique de la Défense. Grâce aux registres d'état civil de la Drôme, désormais en ligne, d'abord.

François Maurice Morel est né le 1er frimaire an IX de la République, soit le 22 novembre 1800, à Peyrus. Ses parents habitent dans la grand'rue de ce village de la Drôme, au pied du plateau du Vercors, à une vingtaine de kilomètres à l'est de Valence.

Le père, Antoine Morel, exerce alors le métier de foulonnier[i] et ne signe pas l'acte de naissance de son fils, faute de savoir écrire. Dans les actes qui jalonnent la vie d'Antoine Morel, celui-ci est successivement qualifié d'agriculteur, de marchand, puis de cabaretier et d'aubergiste. Cela lui permet sans doute d'assurer une certaine instruction à ses enfants qui seront tous au moins capables de signer leur acte de mariage.

La suite de l'histoire, je la connais grâce au "carnet Morel", un cahier à couverture verte miraculeusement parvenu jusqu'à moi, et dans lequel François Morel a soigneusement recopié de sa propre main les documents importants qui ont jalonné sa vie : diplômes, lettres, ordres de mission, états de service…

Le "carnet Morel", Archives personnelles
Bachelier ès lettres de l'académie de Nîmes en 1821, docteur en médecine de l'académie de Montpellier en 1835, chevalier de la Légion d'honneur en 1848, François Morel a eu une carrière militaire qui l'a conduit de Strasbourg à Mont-de-Marsan et de Metz à l'hôpital de Djidjelli (Algérie) où il fut chirurgien en chef, avant qu'il ne prenne sa retraite en 1854 dans la bonne ville de Pau, où il décèdera le 11 novembre 1871.

J'ai également retrouvé dans la bibliothèque de mes parents un traité de médecine en sept volumes, édité à Paris en 1770, qu'il avait acquis d'occasion, sans doute pour parfaire ses connaissances dans ce domaine. Les livres ont une belle reliure en cuir, un peu usée par le temps, et mon ancêtre a indiqué sur la première page le prix payé pour les obtenir, que je peine à déchiffrer.

Traité de médecine daté de 1770, Archives personnelles
Enfin, grâce à son portrait peint par un artiste inconnu (tableau dont j'ignore ce qu'il est devenu après la mort de ma tante Jacqueline), j'ai pu identifié une très ancienne photo de lui, prise au soir de sa vie. J'en ai conclu que les deux autres photos de la même époque et du même photographe étaient celles de son épouse, Marie François, et de sa fille, Eugénie.

François Morel âgé, Archives personnelles
Tous ces "memorabilia" font que François Morel occupe une place particulière dans ma généalogie.



[i] Ouvrier qui pratique le foulage des draps de laine et/ou qui dirige un moulin à foulon, selon Wikipédia.

samedi 13 avril 2013

L comme lithographe


C'est le métier d'Albert Rémi Louis Letourneau lorsqu'il se présente au conseil de révision en 1894, à Angers.

Source Photopin

Il était né à Château-Gontier (Mayenne) vingt ans auparavant, mais il semble que la famille soit venue s'installer à Angers (Maine-et-Loire) dans les années qui suivirent, car elle ne figure plus sur les listes du recensement de 1876. Le père, Louis Aubin, est qualifié de peintre décorateur dans l'acte de naissance de son fils.

Le registre matricule d'Albert Letourneau comporte cette mention qui a attiré mon attention, sous la rubrique Décision du conseil de révision et motifs : "Dispensé, ouvrier d'art (art. 23)". Il est néanmoins incorporé l'année suivante au 135e régiment d'infanterie de ligne, où il séjourne du 14 novembre 1895 au 22 septembre 1896. À cette date, il est "envoyé dans la disponibilité" avec un certificat de bonne conduite.

Sur la même feuille, je lis un peu plus loin : "A justifié à l'âge de 26 ans avoir satisfait aux conditions prévues par l'art. 32 du décret du 23 novembre 1889".

J'ai voulu en savoir davantage. Merci Internet, en quelques minutes, j'avais accès à un article faisant référence à ce décret et renvoyant précisément à l'article 23 de la loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement de l'armée.

De quoi s'agit-il ? Des obligations militaires qui s'imposent alors à tout homme valide de 20 ans à 45 ans :
  • 3 ans de service dans l'armée active,
  • 7 ans dans la réserve de l'armée active,
  • 6 ans dans l'armée territoriale,
  • 9 ans dans la réserve de l'armée territoriale.

Le système du tirage au sort permet de n'accomplir qu'une année de service actif au lieu des trois ans initialement prévus. Ceux qui sont versés dans la réserve de l'armée active retournent à la vie civile, mais sont tenus d'effectuer régulièrement des périodes d'exercice.

Enfin, un système de dispenses prévoit les cas où les jeunes gens sont renvoyés dans leur foyer après une année passée sous les drapeaux : fils aînés de famille nombreuses et soutiens de famille, instituteurs, étudiants, séminaristes… et jeunes gens exerçant des industries d'art ! Nous y voilà !

Albert Letourneau est lithographe, il exerce donc un métier d'art. Rappelons que la lithographie est une technique d'impression qui permet de reproduire en de nombreux exemplaires un dessin tracé à l'encre ou au crayon gras sur une pierre calcaire. Le procédé a été utilisé dès le XIXe siècle pour illustrer les récits de voyages ou pour imprimer des affiches. Encore une piste à explorer, la généalogie est un voyage sans fin…

Albert Letourneau effectue une dernière période d'exercice dans l'armée territoriale en mai 1910. Il décèdera à Ingrandes (Maine-et-Loire) à l'âge de quarante ans, le 8 octobre 1914.

vendredi 12 avril 2013

K comme keepsake, kentia ou kyrie ?


Me voici confrontée à une première difficulté. La lettre k n'est pas si fréquente dans la langue française, à peine quatre pages et demie dans le Petit Larousse, et encore, grâce à nombre de mots d'origine étrangère.

Source Photopin
Or mon arbre généalogique présente une particularité : en l'état actuel de mes recherches, il n'étend ses racines que sur un périmètre strictement hexagonal. À ma connaissance, aucune incursion dans des États proches ou lointains, pas d'autre immigration que celle de la campagne vers les villes, rien qui puisse introduire une consonance un peu exotique.

Pas d'ancêtre caucasien amateur de képhir, russe buveur de kwas, polynésien dopé au kawa ni d'anglophone consommateur de ketchup ; pas davantage d'adepte des nourritures kasher ; pas le moindre kilt ni le moindre kimono à l'horizon !

Du côté des départements français, cela ne vaut guère mieux : pas d'ancêtre breton, emmitouflé dans son kabig, mordant à belles dents dans un kouign-amann, avant d'embarquer sur son ketch, pas d'ancêtre alsacien nourri de kouglof ni même de Dijonnais en train de déguster un kir !

Alors, que me reste-t-il pour illustrer la onzième lettre de l'alphabet ? J'hésite entre keepsake, kentia et kyrie.

Le kentia, parce que ce palmier originaire de Nouvelle-Guinée, des îles Moluques ou de l'Australie, très utilisé autrefois en décoration intérieure, figure sans doute sur une photo de salon d'hiver du début du siècle dernier. Mais où, diable, l'ai-je rangée ?

Le kyrie, parce qu'on n'efface pas d'un trait de plume des années d'éducation religieuse et des siècles de musique sacrée. Mais quel rapport avec la généalogie, même si l'invocation "kyrie eléison" figurait nécessairement dans toute messe paroissiale à laquelle assistaient mes ancêtres ?

J'opte finalement pour le keepsake : "album orné de gravures, de dessins ou d'aquarelles, associés à des textes, qu'on offrait en cadeau à l'époque romantique", nous dit le Petit Larousse (que je consulte décidément beaucoup ces jours-ci). Il suffirait de peu de choses pour en faire un objet généalogique à l'usage de mes petits-enfants : quelques photos, quelques dessins et quelques textes, comme ceux que je m'efforce de produire dans ce blog. Avec un fil conducteur, de A jusqu'à Z, en passant par la lettre K.

jeudi 11 avril 2013

J comme jargon


Lorsque l'envie me prit de créer un blog généalogique, je ne dérogeai pas à mes habitudes et je fis d'abord un tour dans l'une de mes librairies favorites.

Source Photopin
Je n'ai pas mesuré le temps passé ce jour-là à me promener dans les rayons et à feuilleter les ouvrages, mais je me connais, j'ai dû ressortir trois quarts d'heure plus tard. J'avais trouvé un guide plutôt bien fait, dans la collection des Guides 360, chez Oracom Éditions, intitulé "Développer son blog" et sous-titré "Découvrir. Apprivoiser. Maîtriser", le tout abondamment illustré(1).

J'en ai tiré immédiatement profit. Avec plus ou moins de bonheur, je vous laisse en juger. Toutefois, je restai quelque peu dubitative devant cette phrase, page 122 : "Il semblerait qu'une URL courte, simple à lire, sans caractères spéciaux soit plus facilement crawlée par les bots" !!!

Bon, j'ai fini par comprendre, mais permettez-moi d'avoir une pensée pour tous les professeurs qui me donnèrent l'envie de manier les mots : ils prônaient, eux, une langue limpide.


(1) Un ouvrage collectif, certainement, j'ai vainement cherché le nom des auteurs.