jeudi 12 juin 2014

K comme Kaiser Guillaume II

Nous sommes en juillet 1914. Par ses visées expansionnistes, par son militarisme forcené, le Kaiser est alors considéré au mieux comme un adversaire de la France, au pire comme un fauteur de guerre. Par deux fois déjà, en 1905 à Tanger, en 1911 à Agadir, Guillaume II a contrecarré la politique menée par le ministre Théophile Delcassé au Maroc. Et maintenant, il pousse l'Autriche-Hongrie à attaquer la Serbie, après le double attentat qui a coûté la vie à l'archiduc François-Ferdinand et à son épouse à Sarajevo…

Et puis la France n'a-t-elle pas une revanche à prendre sur l'Allemagne ? Son territoire n'a-t-il pas été amputé des deux départements alsaciens et de la Moselle, après le désastre de 1870 ?

J'ignore si ma grand-mère Julia lisait les journaux, mais je suis sûre que le Kaiser alimentait les conversations de son entourage. La Belle Époque s'achevait, on entendait déjà le bruit des armes et Julia avait quatre frères, tous plus jeunes qu'elle, qui risquaient fort d'être appelés sous les drapeaux.

Permettez-moi de les évoquer brièvement ici.

Joseph Fourcade, tout d'abord. Né en janvier 1884 à Pau, il a effectué en son temps son service militaire au 15e régiment de dragons à Libourne. Il a trente ans lorsqu'il est rappelé à l'activité par le décret de mobilisation générale. Il sera affecté au 118e régiment d'artillerie lourde en décembre 1915.

Sa fiche-matricule nous apprend qu'il fut blessé par son cheval en mettant pied à terre. La blessure entraîna une paralysie radiale gauche partielle. Renvoyé dans ses foyers en juin 1917, il fut réformé et reçut une pension pour invalidité de 20%, puis de 30%.

Il reprendra la chemiserie paternelle, à l'angle de la rue des Arts et de la rue qui n'allait plus tarder à s'appeler la rue du Maréchal Foch.

Jean Fourcade, ensuite. Né en octobre 1889, il a effectué deux ans de service militaire au 18e régiment d'infanterie à Pau, de 1910 à 1912. Il a vingt-quatre ans au moment de la mobilisation générale et ne retournera à la vie civile que cinq ans plus tard, le 2 août 1919.

Intoxiqué par gaz ypérite le 22 avril 1918 à Tricot (Oise), il séjourna plus d'un mois à l'hôpital avant de rejoindre le front. Une citation pour mission parfaitement accomplie en septembre 1918. Croix de guerre avec étoile de bronze.

En 1919, il reprendra sa profession de chemisier, qu'il exercera au n°3 de la rue Henri IV, à Pau.

Joseph et Jean Fourcade
Archives personnelles

Théodore Fourcade, troisième frère de Julia. Né en juin 1894, architecte résidant à Paris, il a tout juste vingt ans lorsque la guerre éclate. D'abord "ajourné pour faiblesse" lors du conseil de révision, il est néanmoins reconnu bon pour le service armé en octobre 1914. Incorporé au 144e régiment d'infanterie en décembre de la même année, il est finalement réformé en mai 1915 "pour bronchite suspecte".

Il reprendra ses activités d'architecte à Paris.

Henri Fourcade, enfin. Né en juillet 1899, il a perdu sa mère très jeune et fut en partie élevé par sa sœur Julia. Il a quinze ans à peine au moment de la mobilisation générale et ne participera pas au conflit.

Après des études d'ingénieur à Paris, il s'installera à Tarbes.

Théodore et Jean Fourcade
Archives personnelles

Julia pouvait enfin respirer : le Kaiser ne lui avait pris aucun de ses frères, mais deux d'entre eux en garderaient néanmoins des séquelles leur vie durant.

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