jeudi 26 juin 2014

W comme Who's who

Vous connaissez peut-être ce dictionnaire biographique à couverture rouge, publié depuis une soixantaine d'années en France, sur une idée britannique beaucoup plus ancienne. Il répertorie les personnalités représentatives du monde politique, économique, scientifique, culturel et sportif.

Comme je note systématiquement tous les intervenants dont les noms figurent sur les actes, lors de mes recherches généalogiques, ma base de données dépasse le cadre strictement familial. Je pourrais presque me constituer une sorte de Who's who pour mon usage personnel. Je pense, par exemple, à certains maires, durant la Restauration ou le Second Empire, qui arborent des patronymes à tiroirs…

Source Photo Pin

Mais revenons à ma grand-mère, Julia Fourcade. Lorsque j'ai reçu la copie de l'acte de son mariage civil avec Maurice Maitreau, célébré le 22 novembre 1900 à l'Hôtel de la mairie de Pau, j'ai noté les quatre témoins et j'ai tenté d'en apprendre davantage à leur sujet. Histoire de répondre à la fameuse question : "Qui est qui ?"

Et voici ce que j'ai trouvé.

Paul Mortemard de Boisse

"Âgé de cinquante ans, chef de bataillon au 18e Régiment d'infanterie, chevalier de la Légion d'honneur", selon l'acte de mariage. En garnison à Pau, donc.

Un premier témoin dont le nom attire l'œil ! L'adjoint au maire, sans doute impressionné, l'a d'ailleurs gratifié d'une deuxième particule, l'appelant Paul de Mortemard de Boisse. Mais attention ! Ne pas confondre les Mortemard avec un "d" et les Mortemart avec un "t", ces derniers issus de la branche cadette de l'illustre maison de Rochechouart. Les fans de Tintin et des Dupondt, suivez mon regard !

L'accès à son dossier de la Légion d'honneur m'a permis de savoir que Paul Frédéric Mortemard de Boisse était né le 2 mai 1850 à Saint-Germain-en-Laye, qu'il avait un frère, né en 1837 au Havre, également chevalier de la Légion d'honneur, et que leur père était capitaine de frégate.

Notre témoin a participé à la guerre de 1870 dans l'Armée de Loire ; il a combattu contre l'Allemagne de janvier à mars 1871, alors qu'il avait vingt ans. Il intervint également durant l'insurrection de Paris et fut blessé lors de l'attaque de la Barrière du Trône, en mai 1871. Il participera à la Première Guerre mondiale et sera élevé au grade d'officier de la Légion d'honneur en novembre 1915.

Mais quel est le lien avec la famille Maitreau ? Le capitaine Achille Maitreau, blessé le 1er septembre 1870 à la bataille de Sedan, n'a participé ni aux opérations de l'Armée de Loire, ni à celles contre la Commune de Paris. Il avait alors quarante-neuf ans et, après une période de convalescence suivie d'une période de congé, il prit sa retraite en 1873.

A-t-il croisé le jeune Mortemard de Boisse dans un hôpital militaire ? Ou bien fréquentait-il un cercle d'officiers à Pau, où il aurait pu faire la connaissance du chef de bataillon ? À ce jour, je n'ai pas la réponse. J'ai juste tendance à penser qu'il n'était pas fâché de produire un témoin avec un nom qui sonne bien. Un peu snob, mon arrière-grand-père ?

Henri Lacabanne

"Âgé de vingt-huit ans, ingénieur", toujours selon l'acte de mariage de mes grands-parents maternels.

Ami de longue date de Maurice Maitreau, il se mariera l'année suivante, mais le registre des mariages de 1901 n'étant pas encore en ligne, je n'ai pu vérifier si Maurice lui avait rendu la pareille.

Henri Lacabanne
Archives personnelles

J'ai évoqué dans un précédent billet(1) le destin de cet ingénieur des Ponts et Chaussées, qui participa à la construction du réseau des tramways des Basses-Pyrénées et qui fut tué au cours de la Première Guerre mondiale, en 1916, laissant une jeune veuve de trente-quatre ans et trois enfants.

Sylvain Gardères

"Âgé de soixante ans, maître d'hôtel", toujours selon l'acte de mariage.

La profession de ce troisième témoin est a priori moins prestigieuse et je me suis un temps posé des questions. Mais méfions-nous des idées fausses ; selon Wikipédia, "dans un restaurant, un hôtel ou une maison particulière, le maître d'hôtel est la personne chargée de la coordination de l'ensemble du personnel de service", un poste clé, impliquant un engagement important et de lourdes responsabilités. Ce n'est pas rien.

Tout dépend de la taille de l'établissement, me direz-vous.

N'oublions pas que, dès la première moitié du XIXe siècle, Pau devint un lieu de villégiature fort prisé des Britanniques. Considérée comme une station climatique dont les bienfaits étaient vantés par le médecin écossais Alexandre Taylor(2), elle proposait aux riches oisifs terrain de golf, hippodrome, chasse au renard… et attirait du beau linge.

Cette renommée favorisa naturellement le développement de l'hôtellerie de luxe.

Or, au fil de mes recherches, je suis tombée sur cet article dans le Dictionnaire biographique et album des Basses-Pyrénées, à la rubrique Renseignements utiles :
"Hôtel de France à Pau, boulevard du Midi.
Fondé en 1830 par la famille Gardères, s'est transmis depuis de père en fils. Reconstruit en 1870 avec des dispositions et agencements modernes, cet hôtel offre tout le confort désirable.
Belle vue sur la chaîne des Pyrénées.
Le Cercle anglais occupe une des plus belles salles.
Garage d'automobiles, avec boxes pour les chevaux."

Hôtel de France
Source Médiathèque intercommunale Pau-Pyrénées

Cet imposant bâtiment, qui abrite aujourd'hui la communauté d'agglomération Pau-Pyrénées, est situé à l'angle de la place Royale et du boulevard des Pyrénées.

Nous y voilà ! Les Maitreau faisaient un peu d'esbroufe avec leurs témoins, les Fourcade rétorquaient du tac au tac. Car, en me penchant sur les branches collatérales (vive la généalogie descendante), j'ai découvert que Sylvain Gardères n'était autre qu'un cousin germain d'Eugénie Caperet, la mère de Julia !

Simon Théodore Conu

"Âgé de cinquante-neuf ans, Directeur des Postes et Télégraphes, domicilié à Montauban". Quatrième témoin, sans doute allié de la famille Fourcade, donc, si l'on considère que les deux premiers sont les témoins de Maurice Maitreau.

Mais là, rien, aucune piste ! J'éviterai le jeu de mots facile et je lance cette bouteille à la mer. Si quelqu'un a une idée…



(1) Voir L comme Lacabanne, publié le vendredi 13 juin

(2) Alexander Taylor (1802-1879), médecin, auteur d'un ouvrage intitulé Vertus du climat de Pau, bénéficie aujourd'hui d'une rue à son nom dans le centre de Pau.

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