lundi 27 juillet 2015

Un pacte de mariage en Bigorre

Le vingt-neuf octobre 1696 à l'heure de midi, il y a foule dans la maison Baritat. En ce lundi d'automne, maître Noalis, notaire apostolique et royal, est appelé pour dresser le contrat relatif au mariage projeté entre Bernard Baritat, originaire d'Aucun, et Marie Forcade, originaire d'Arcizans.

Nous sommes dans les contreforts pyrénéens, à deux lieues au sud-ouest d'Argelès-Gazost, et cinq ou six lieues au sud-ouest de Lourdes, à plus de 800 mètres d'altitude.

Source Heredis 2015

Du côté de Bernard Baritat, outre son père Pierre Noguès, pas moins de treize témoins, dont deux prêtres et un "escholier", c'est-à-dire un étudiant (en droit ou en théologie ?). Du côté de Marie Forcade, ses parents, Gabriel Forcade et Domengea Abadie, et onze autres témoins, dont le curé de Sireix, celui d'Arcizans, un autre prêtre, un oncle, son frère aîné Paul…

Le document intitulé "Pactes entre Baritat et Forcade" qui fait un peu plus de trois pages, est plutôt lisible, même pour une néophyte de mon espèce : peu d'abréviations ou de termes abscons, une graphie et une orthographe proches des nôtres, bref, un exercice de paléographie qui ne présente pas de difficulté majeure. Quelques mots m'échappent encore, néanmoins, mais je pense avoir saisi l'essentiel.

La formule introductive plante le décor :

"Au nom de Dieu ce jourd'huy vingt neufviè(me)
d'octobre l'an mil six cent quatre vingtz et seze
à heure de midi au lieu d'Aucun paroisse
St. Felix valée d'Azun sén(échauss)ée de Vigorre
dans la ma(is)on de Baritat pardevant moy
no(tai)re soubz(sig)né…
"

Suit la très longue liste des témoins, vraisemblablement tous apparentés aux futurs époux, sauf, peut-être les prêtres encore que… Les patronymes fleurent bon le sud : Noguès, Hourcade, Pénogué, Abadie, Cazau, Salenave, Vergez, Laforgue, et j'en oublie sûrement.

Bernard et Marie se sont mutuellement promis en mariage "par paroles de futur", ce qui renvoie à l'expression "par paroles de présent", qui m'avait tant surprise la première fois que je l'avais lue dans un registre paroissial. Le mariage sera célébré "Dieu aydant", à l'église, à la requête de l'une des deux parties, sans indication de date.

Entrons ensuite dans le vif du sujet. Pour le futur époux, une simple phrase et tout est réglé : il est constitué héritier de la maison Baritat. Point. Rien sur l'importance des bâtiments, sur les terres, le cheptel, les instruments aratoires… Peut-être existe-t-il un testament plus explicite, je l'ignore. Il semble que cela soit suffisamment clair dans l'esprit des personnes présentes.

Je note au passage que l'héritier porte le patronyme de sa mère décédée, Jeanne Baritat, et non celui de son père, Pierre Noguès, ce qui laisse à penser que la maison avait été apportée en mariage par la mère, que cette dernière était sans doute l'aînée de sa fratrie, alors que Pierre Noguès était vraisemblablement un cadet dans la maison Noguès.

A contrario, les apports de la future épouse sont précisés avec force détails. Si je ne commets pas d'erreur d'interprétation, elle comprend trois volets : la dot proprement dite, les "ameublements nuptiaux" et les habits.

Les parents de Marie Forcade s'engagent tout d'abord à payer aux Baritat père et fils la somme de "mille septente escus petits", moitié en argent et moitié en bétail. Il semble qu'une partie soit payable comptant et le solde étalé sur six ans, avec règlement à chaque Saint-Michel.

Les "ameublements nuptiaux" comprennent des rideaux pour le lit, un matelas, une courtepointe, sept draps (ici appelés linceuls) de lin et sept autres "d'estoupe", un "traversier" (que l'on appellerait de nos jours un traversin, sans doute) et une couverture d'Espagne. S'y ajoutent une nappe de lin et une autre "d'estoupe", ainsi que quatorze serviettes de chaque sorte. La longueur des nappes est soigneusement précisée : elles doivent faire trois "canes" (la canne étant une unité de mesure variable d'une région à l'autre, comparable à la toise, de l'ordre de 1,80 mètre).

Enfin, le contrat comprend une liste d'habits pour la future épouse : quatorze chemises, une "cane" de toile et trois de lin, des cotillons, l'un cramoisi, l'autre bleu et le troisième violet, une paire de bas de cordillat rouge, une paire de souliers, et ainsi de suite (j'ai eu plus de mal avec certains termes techniques). N'oublions pas le coffre !

Suivent quelques phrases sibyllines sur le sort de l'héritage. Il reviendra naturellement au premier enfant mâle ou fille, mais différents cas sont évoqués. Bref, j'ai encore des recherches à effectuer, si je veux saisir toutes les subtilités de la transmission de patrimoine en pays bigourdan.

Et puis, alors que le notaire annonçait les signatures de ceux qui savaient écrire et qui allaient clore le pacte de mariage, soudain un ajout : "une layethe de laine et le traversier du berceau ordinaire au premier enfant nay".

Le contrat s'achève sur la signature magistrale du notaire, qui empiète quelque peu sur les voisines.

Signatures au pied du pacte de mariage

Je suppose que l'événement a donné lieu à un grand repas de fête réunissant toutes les personnes présentes ? N'ayant, à ce jour, pas encore accès aux registres paroissiaux, je ne saurais vous dire si la rédaction du contrat a précédé de quelques jours ou de plusieurs mois la célébration du mariage. Patience… et un grand merci, au passage, à la personne qui m'a si généreusement transmis ce document, ainsi que plusieurs autres, quand elle a découvert que certains de mes ancêtres étaient originaires d'Aucun. Un magnifique cadeau !


Bon été à tous…

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