lundi 6 février 2017

Plongée dans l'anthropologie historique

J'aime flâner dans les rayons d'une librairie, me laisser surprendre par un titre ou avoir l'œil attiré par une couverture et, à cet égard, il est rare que je ne ressorte pas avec deux ou trois livres au format de poche.

L'une de mes dernières acquisitions : Les paysans français d'Ancien Régime(1), d'Emmanuel Le Roy Ladurie.


L'ouvrage, bien que destiné à diffuser auprès du public la synthèse des travaux de l'historien, est d'un abord plutôt austère. Un peu touffu aussi, car très riche en informations de toutes sortes, avec parfois des redites d'un chapitre à l'autre. Mais ceci a au moins le mérite d'ancrer dans l'esprit les travaux de l'auteur. La pédagogie est un art fait de répétitions.

La France, combien d'habitants ?

Il  est beaucoup question de démographie dans le livre d'Emmanuel Le Roy Ladurie. Qu'en ai-je retenu ? Quelques chiffres et quelques dates clés.

En 1328, la population de l'Hexagone virtuel(2) était de l'ordre de 19 ou 20 millions d'habitants, dont 90 % de ruraux, et parmi ces derniers 90 % de cultivateurs.

Vers 1450, la population à l'intérieur de ce même périmètre ne comptait plus que 9 à 10 millions d'âmes, sous le triple effet conjugué de la peste noire, de la famine et de la guerre de Cent Ans. Dégringolade vertigineuse !

Un siècle plus tard, vers 1560, elle avait retrouvé son niveau antérieur de 20 millions d'habitants. Chiffre grosso modo inchangé jusqu'à la fin du règne de Louis XIV, avec néanmoins des variations dues à diverses causes : conflits religieux, Fronde, Guerre de Trente Ans, aléas climatiques, accompagnés d'inévitables épisodes de disettes et d'épidémies.

La population va ensuite augmenter à partir de 1715 pour atteindre le chiffre de 28 millions à l'aube de la Révolution de 1789 (à comparer avec les 40 millions du Second Empire et les 66 millions actuels).

Les trois piliers de l'exploitation rurale

Au fil des chapitres, l'auteur insiste également sur l'organisation de la société et la répartition du produit agricole entre les différents intervenants :
  • Propriétaires des terres (seigneurs qui perçoivent la rente, clergé qui prélève la dîme, mais bientôt aussi bourgeoisie urbaine),
  • Exploitants, métayers ou fermiers, suivant qu'ils payent le loyer de la terre en nature ou en argent,
  • Enfin salariés agricoles (manouvriers, journaliers…), sans doute le groupe le plus nombreux mais aussi le moins favorisé des trois.

 Tout au long de la période étudiée par l'auteur, il existe bien entendu de fortes disparités régionales, tant dans les dimensions que dans les modes d'exploitation. Néanmoins, sans simplification excessive, on peut parler plutôt de grandes surfaces au nord d'une ligne Saint-Malo-Genève et de terres plus morcelées au sud, comme de familles nucléaires de fermiers au nord et de familles élargies aux gendres et aux beaux-frères au sud… mais je laisse à chacun le soin de feuilleter le livre pour y découvrir les précisions qui l'intéressent(3).

Je ne vous cacherai pas que cet ouvrage dense, difficile à résumer, n'est pas toujours de lecture aisée, mais il n'en présente pas moins un intérêt certain pour mieux comprendre l'environnement dans lequel évoluaient nos ancêtres.



(1) Emmanuel Le Roy Ladurie, Les paysans français d'Ancien Régime, Du XIVe au XVIIIe siècle, Seuil, collection Points Histoire, 2015, 287 pages, ISBN 978-2-7578-6418-0

(2) Les frontières du royaume de France étant différentes de celles de notre actuelle métropole, l'auteur fait appel à cette notion d'Hexagone virtuel pour faciliter les comparaisons.

(3) À noter à la fin du livre une abondante bibliographie, parfois assortie de commentaires.


3 commentaires:

  1. Merci pour ce très bon résumé d'un livre sérieux et bien documenté. Dans quelles librairies tes pas t'ont-ils portée ?

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    1. Tantôt dans celle fort connue du Forum des Halles, tantôt chez Millepages à Vincennes… j'ai beaucoup de mal à résister aux librairies, quand je passe devant leurs vitrines.

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  2. Merci pour cet excellent résumé d'un livre sérieux et foisonnant qui nous donne une vision de la population rurale de l'Ancien Régime, celle dont nous cherchons à comprendre l'histoire au travers de nos recherches généalogiques.

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